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À quel point la concentration et les émotions impactent la performance sportive ?

Lorsque l’on parle de produire une performance à un instant T dans un contexte à haute pression (comme lors d’une compétition), plusieurs attributs peuvent se trouver indispensables pour favoriser la performance sportive. 

Le cas de la finale de Roland Garros 2025 : Arina Sabalenka contre Coco Gauff illustre parfaitement l’importance de développer des qualités mentales pour favoriser la performance.

*Contexte pour ceux qui n’ont pas vu le match* Sabalenka gagne le premier set 7-6, puis perd le second set 2-6 lors duquel on l’entend se plaindre des conditions météos (en l’occurrence du vent), elle finit par s’incliner 4-6 « particulièrement nerveuse lors de cette finale » (L’équipe).

Ce match est une bonne occasion pour parler de l’importance de (1) la capacité à rester pleinement concentré sur la tâche à accomplir (peu importe les distractions), (2) le contrôle des pensées, (3) les croyances, (4) la gestion de l’échec et des émotions et (5) la confiance. Ces 5 points figurent parmi les 13 attributs des athlètes forts mentalement (Selon Jones et al. 2002). 

Rester pleinement concentré sur la tâche à accomplir (1)

Différentes distractions peuvent venir déstabiliser l’exécution d’une ou plusieurs tâches. Tout ce qui est inhabituel le jour de la compétition a le pouvoir de vous perturber : un bruit, un encouragement, une matière particulière, un changement de règle… et donc de modifier la qualité de vos actions. Pour éviter d’être confronter à ce genre de perturbations, vous pouvez vous entrainez dans des conditions similaires à la compétition (en changeant quelques paramètres parfois) et utiliser l’imagerie mentale et la visualisation pour anticiper et accepter ce qui ne sera pas de votre ressort. 

La capacité à rester pleinement concentré sur la tâche est une qualité essentielle. Au cours du match, on voit Sabalenka perdre contre les conditions et non contre Gauff. Elle n’est plus concentrée sur son adversaire mais focalisée sur les conditions qu’elles jugent ne pas être optimales pour performer. Le sujet revient d’ailleurs à chaque question lors de la conférence de presse post-finale. 

« Les conditions étaient terribles et elle (Coco) a été meilleure que moi dans ces conditions. Je pense que c’est la pire finale que je n’ai jamais jouée. »

En partant du principe que l’élément perturbateur n’a pas été anticipé (ou ne peut l’être), alors il ne reste plus qu’à travailler la maitrise des pensées (2) et moduler les croyances (3). 

Maitrise des pensées (2) et des croyances (3)

Au-delà de cette concentration, le fait de rester bloquer sur une croyance comme : les conditions ne sont pas favorables à ce que je performe, mes adversaires sont meilleures que moi, je ne me suis pas assez préparé dans ces conditions… limite la performance.

Cependant, apprendre à maitriser ses pensées et ses émotions pourrait atténuer l’effet néfaste de la croyance limitante sur la performance (même si peu de recherches montrent que le dialogue interne positif permet d’améliorer la performance). En revanche, on sait que des énoncés de défaite ont un effet négatif sur la performance (Rosin, Nelson, 1983 ; Rotella et coll., 1980). Le dialogue interne devient vraiment destructeur, quand un sujet s’engage dans une auto-évaluation ou étiquetage de lui-même (de façon négative). Quand des sujets ont cette perception négative d’eux-mêmes, ils vont souvent se conduire d’une façon qui confirme leur perception et, ainsi, se prouver qu’ils avaient raison. 

Sabalenka, suite au « shift » évoqué lors du match qu’elle menait pourtant au départ, explique : « Je pense qu’il y avait plus de vent et que j’étais trop émotive. Je pense qu’aujourd’hui je n’ai pas réussi à me gérer vraiment bien, mentalement, je dirais. » 

Si Sabalenka était persuadée (croyance) que les conditions n’étaient pas optimales pour qu’elle performe alors elle ne performera pas. 

Surmonter les erreurs et maitriser la sphère émotive (4a)

Commettre des erreurs c’est normal, les accumuler ça peut arriver aussi, mais ce qui différencie les « bons » athlètes, des athlètes de haut-niveau c’est leur contrôle émotionnel sur ces situations. Les athlètes forts mentalement sont particulièrement combatifs, flexibles et résilients émotionnellement. Ils surmontent rapidement les émotions négatives (comme la colère ou la frustration) et sont disposés à rester activés physiologiquement et concentrés lorsqu’ils se trouvent dans des situations de pression Loehr (1986, 1995). Réussir à maintenir la technique et l’effort tout en ressentant des douleurs émotionnelles liées à l’échec est également une caractéristique des athlètes forts mentalement. 

Finalement, (dépendant de la discipline évidemment) le fait de se prendre une pénalité va peut-être vous perturber mais ne devrait pas ruiner votre match. Et, vous ne devrez pas penser qu’il le ruine non plus, à l’instant T et en post-compétition - je différencie la pensée de la situation elle-même.

« J’espère que la prochaine fois que l’on jouera, si l’on joue dans les mêmes conditions, je jouerais un peu plus intelligemment, sans précipiter les choses et essayer de rester là et essayer de se battre » (Sabalenka, à propos de sa finale)

La gestion de l’échec post-compétition (4b)

L’échec fait entièrement partie de la vie de chacun et en particulier des athlètes. 

Sabalenka perd son match. En conférence de presse, elle explique « J’ai juste fait beaucoup d’erreurs directs. Je ne pense pas qu’elle ait gagné le match parce qu’elle a joué incroyablement mais parce que j’ai fait toutes ces erreurs ». 

Elle s’est fait critiquer pour cet extrait. Pourtant, c’est une caractéristique particulière des athlètes performants concernant les échecs : ils attribuent les événements négatifs à des causes externes, instables et spécifiques. Goldberg (1998) a observé chez les athlètes performants une tendance à attribuer la raison de leur échec à des éléments extérieurs afin de conserver leur niveau de confiance intact (cause externe), les situations d’adversité seraient perçues comme étant temporaires et limitées (cause instable), les échecs seraient compartimentés de façon à en isoler précisément les causes (cause spécifique). 

« (Lors du tournoi) J’ai joué des matchs vraiment difficiles et des joueuses incroyables. (Lors de la finale), c’était le pire tennis que je n’ai jamais joué depuis des mois. »

La confiance en soi ne devrait pas être vu comme de la prétention mais comme une force indispensable pour réussir, se relever des échecs et maintenir les succès. Là ou certains voit un manque de respect (?) ou un manque d'humilité, on peut simplement voir une joueuse de haut niveau dépasser un échec.

La confiance en soi (5)

Selon Jones et al. (2002), la confiance en soi comporte deux dimensions : (1) la confiance en sa capacité à atteindre des objectifs compétitifs et (2) la croyance d’être différente de ses adversaires, et donc meilleure. 

Si vous avez l’ambition d’être premier ou meilleur, alors comment y arriver sans croire que vous l’êtes vraiment ? 


Source

Attention et performance sportive : état de la question en psychologie du sport appliquée

The development and maintenance of mental toughness: Perceptions of elite performers